L’odeur

« Karen, y’a un problème. Tu as remarqué que nous sommes nombreux à travailler dans un petit espace. C’est ton métier qui veut ça, mais tu bouges beaucoup, tu brasses l’air, et ton odeur est très forte. Pour le confort de tous, ce serait bien que tu te laves davantage. »

Le responsable des ressources humaines était entré d’un pas rapide dans l’open space, des dossiers sous le bras, et s’était dirigé vers moi pour me le dire sans détour, puis était reparti, me laissant bouche bée. Je n’avais su que répondre, on sent rarement sa propre odeur. J’ai verrouillé le haut de mes bras contre les flancs de mon buste jusqu’à la fin de mon contrat, un CDD de trois mois.

Je trouvai un nouvel emploi. Ma responsable hiérarchique était à peine plus âgée que moi. Deux mois après mon embauche, elle a glissé un petit mot dans mon casier :

« Karen, connais-tu les déodorants ? C’est très efficace quand on a un problème d’odeur. C’est comme un parfum, mais pour les aisselles. »

Ça recommençait. Je pouvais douter de mon odeur, mais être traitée comme une inculte me fit lever de ma chaise. Elle était assise à son bureau, le visage penché sur un document, l’air concentré. Je lui ai tendu son message. Elle a bredouillé des explications, scellant pour de bon notre incapacité à nous entendre.

Des copains m’ont réconfortée. L’un d’eux a même glissé son nez sous mon bras : « J’ai jamais senti ton odeur. Ce sont vraiment de gros connards ! »

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