La couleur

À la fin d’un été, je fus embauchée dans une entreprise située dans une petite ville assoupie à deux heures de Paris.

Le premier mois, je logeais en demi-pension dans un petit hôtel triste et défraîchi, avec d’autres résidents comme moi à la semaine, pour la plupart des ouvriers de chantier. Nous dînions dans une salle commune, le vin rouge allait bon train aux tables de mes voisins. Quand leurs rires chargés de grivoiseries montaient trop haut, l’un d’eux s’exclamait : « Hey les gars ! Y’a une demoiselle ici, faites attention à ce que vous dites ! » Le volume sonore diminuait, aussitôt suivi de quelques œillades gênées auxquelles je répondais par un sourire d’être ainsi élevée au rang de princesse.

L’hiver approchait, mon patron me demanda sans détour :

— Tu ne débronzes jamais ?

D’abord, je crus à une blague, mais il était sincère, ce à quoi je répondis que c’était mon teint naturel.

Il aimait donner des petits noms aux membres de son équipe, le mien devint « peau de boudin », signifiant par ce sobriquet que j’y avais gagné ma place.

Quelques semaines plus tard, un collègue me demanda à son tour :

— Ça va ? L’intégration se passe bien ?

Lisant l’étonnement dans mon regard, il ajouta :

— Parce que… ça doit te manquer les cocotiers !

Laisser un commentaire